À l'aide d’outils d’analyse proposés par la théorie littéraire, la philosophie et la psychanalyse ainsi que par des travaux relatifs à la géographie, l’architecture et l’urbanisme, cette étude s’attache aux objets et dispositifs caractéristiques de l’habitation déployés dans les textes respectifs d’Hélène Lenoir et d’Eugène Savitzkaya.
Prenant acte du caractère double – parlant et habitant – du sujet de langage, Hélène Lenoir et Eugène Savitzkaya réalisent une analyse très précise de l’espace domestique. Considérer ces deux oeuvres comme des écritures de l’habitation révèle plusieurs questions cardinales de ces productions littéraires, de nature thématique (le traitement du corps et de la famille, la métaphore picturale, la description du quotidien, etc.), formelle (le point de vue, le ressassement, le discours intérieur, l’inscription matérielle dans le sol urbain, etc.) et esthétique (la tension entre habiter et représenter ; le rôle de la poésie dans l’espace public ; la relation entre spatialité et énonciation, plus précisément entre l’habitation, la parole et l’écriture). En faisant jouer des dialectiques d’ordre spatial, ces deux esthétiques de l’habitation interrogent plusieurs discours contemporains (le pouvoir du regard, la crise de l’intime, la question de l’origine, les effets de la mondialisation, etc.)
Les confinements récents ont montré combien les logements, tout en servant d’abris, pouvaient cristalliser malaises, inégalités et relations de pouvoir comme constituer un terreau d’expérimentations et de création. Une force opératoire déjà mise en lumière par les oeuvres contemporaines s’étant emparées de l’habitation en tant que dispositif littéraire.
Éditions et abréviations utilisées
Introduction
1. Aires du soupçon
2. Deux écritures de l'habitation
3. Édifications, passages, occupations
4. Habiter le langage
5. Objets de la maison, dispositifs de l'habitation
6. Malaises dans la maison
Chapitre I. Le tableautin brisé dans l'œuvre d'Hélène Lenoir. Une fenêtre sur les malaises
dans le chez-soi
1. « Tableautin » : une miniature de l’esthétique
de Lenoir
1.1. Des scènes d’intérieur
1.2. Un tableautin brisé
1.3. La persienne : masque, exposition et voyeurisme
1.3.1. Fenêtre et tableau : la fonction de la lumière
1.3.2. Voir sans être vu : du désir de se cacher à celui de
figurer dans le tableautin
1.3.3. Vitres et désir
1.3.4. Fenêtre et exposition
2. Son nom d’avant : une crise de l’intime
2.1. Nommée à demeure
2.2. Domicile privé, privation du chez-soi
2.3. Fouilles et surveillance
2.4. Conclusion : de la camera obscura du cabanon
au terrain vague photographique
2.4.1. L’envers de la maison
2.4.2. Un lieu psychique
2.4.3. Le développement d’une photographie floue
2.4.4. Habiter le vague
Chapitre II. Foutoirs dans l’œuvre d’Hélène Lenoir
1. For intérieur et foutoirs
1.1. Intériorité et intérieurs
1.2. Pièce rapportée : logorrhée et réticence
1.3. La Folie Silaz : asile, claustration et contagion
2. Histoires de chambres
2.1. Chambre et parole
2.2. Femmes et chambres
2.3. Faire chambre à part
2.4. Chambres obscures
2.5. L’album de naissance : dénouer l’identification
maternelle
3. Lieux communs
3.1. Romans de la maisonnée
3.2. Bourrasque : (dé)chiffrer les lieux communs
3.3. Une tache dans le foutoir : une écriture domestique
qui dissout les semblants
Conclusion : potiche, ressassement et « art du vide »
Chapitre III. Lézardes, membranes et tâches ménagères chez Eugène Savitzkaya
Une maison d’écriture
1. Un espace « de guingois »
1.1. Origine, enfance et fin : la « maison natale »
1.2. Une « maison onirique »
1.3. Porosité et portes
1.4. Tiroirs, inventaires et excès
2. Habitation et habitudes
2.1. Quotidien et anachronisme
2.2. L’obsession du dedans et du dehors
2.3. Mains, écriture et quotidien
2.4. L’angoisse du quotidien
3. Une « écriture en spirale »
3.1. Des alvéoles pour mesurer l’environnement
3.2. Chez-soi et ressassement : le territoire du texte
3.3. Conclusion : la parole d’un fou, entre origine et fin,
entre dedans et dehors
Chapitre IV. Pays, origine et lignes dans l’œuvre d’Eugène Savitzkaya
1. « Le pays des fous et des folles »
1.1. Un discours de la nostalgie ?
1.2. L’indétermination du fou
1.3. La perte au centre d’un corps vivant et bavard
1.4. Dilution de la référence géographique : un pays
doublement perdu
2. La Folie originelle et Marin mon cœur :
l’envers de l’origine
2.1. Une ville en ruines ou une origine à l’envers
2.2. Recherche et dissolution du nom propre
2.3. Ouvrir et fermer la porte
2.4. Marin ou le bain de la langue
2.5. Entre « ici » et « ailleurs » : une « supercherie
du silence »
. L’« Archiphrase » : ligne(s) et marche(s) en
milieu liégeois
3.1. Du seuil aux archives
3.2. Une phrase urbaine : la marche comme espace
d’énonciation
3.3. « Brouhaha » et discrétion
3.4. Une gravure en palimpseste
3.5. Conclusion. Ligne(s) de la phrase :
du discours à la parole
Conclusion
1. Habitation et représentation : jouer de la fenêtre
pour restituer l’intime
2. Répétition et « art du vide » : la maison,
un espace extime
3. Ligne d’un parcours contemporain
4. « L’habitation, la surprise »
Bibliographie