Dans les écrits dédiés à l'arbitrage international, la neutralité est frappée du sceau de l'évidence. Lire la suite
Elle est ce mot des premières pages, des premiers chapitres, intégré aux développements énumérant les avantages de
l'arbitrage et destiné à expliquer l'opportunité d’y recourir, à justifier de son succès, à le légitimer, à le promouvoir à l’image d’un argument publicitaire au-delà de ses frontières initiales, ou encore pour l’ériger en mode de règlement des litiges par défaut. Contrairement aux autres avantages supposés de l’arbitrage international, la neutralité est un allant de soi qui ne
saurait être discutée. Elle est une parole, un discours, une représentation qui échappe prodigieusement à toute critique. Malgré la virulence et le bienfondé des reproches qui lui sont directement adressés, la neutralité ne cesse d’être invoquée tantôt comme bouclier tantôt comme bélier par les membres de la communauté arbitrale désireux de protéger l’arbitrage comme de favoriser son expansion. Le chercheur ou la chercheuse analysant les discours de l’arbitrage international est inévitablement intrigué par la force d’une représentation qui met en échec toute critique et qui véhicule l’illusion d’une impossible remise en cause. Afin d’en comprendre les raisons et les opérations, le présent ouvrage propose d’enquêter au coeur de ce qu’est la neutralité de l’arbitrage international : un mythe.
Remerciements
Principales abréviations
Préface
Introduction générale
1. Emprunter le chemin du mythe
2. Questionner l'évidence
3. Délimiter l'étude
4. Construire une déconstruction
Chapitre préliminaire. Déconstruire pour mieux saisir : les mythes et leurs présupposés
Introduction
1. Saisir les mythes
1.1. Saisir la puissance du mythe
1.1.1. Le recours au mythe
a) La force explicative du mythe
b) L’infaillibilité du mythe
c) La puissante emprise du mythe
1.1.2. Le rejet du mythe
a) Le rapport du mythe à la réalité et à la vérité
b) La capacité du mythe à résister à la critique
c) La simplicité des justifications portées par le mythe
1.2. Saisir les formes et transformations du mythe, la mytho-phorie
1.2.1. Mythes et idéologies
a) Le mythe assimilé à l’idéologie
b) Le mythe comme moyen d’expression de l’idéologie
1.2.2. Mythes et utopies
a) Utopies mythiques ou mythes utopiques
b) Des constructions de l’imaginaire
2. Déconstruire les mythes
2.1. Le choix de la déconstruction (le pourquoi ?)
2.1.1. Inadaptation des approches non déconstructionnistes
a) Inadaptation de l’approche « mythe ou réalité »
b) Inadaptation de l’approche rationaliste
2.1.2. Adaptation de l’approche déconstructionniste
a) Révéler le mythe
b) Révéler les éléments structurants le mythe
2.2. Déconstruire le mythe de la neutralité (le comment ?)
2.2.1. Analyse généalogique des mythes
a) Historiciser le présent par la recherche des origines
b) Décomposer le questionnement
2.2.2. Analyse de la contemporanéité des mythes
a) Analyse par le prisme de la communauté arbitrale
b) Identifier le sort du mythe
Conclusion
Partie 1. La fabrique du mythe
Chapitre 1. Définir le besoin, faire émerger le mythe
Introduction
1. La recherche d’un forum neutre
1.1. La naissance du besoin de neutralité
1.1.1. La crainte à l’origine du besoin de neutralité
a) Identification de la crainte : « The fear of the home-town advantage ».
b) Identification de l’émetteur de la crainte
1.1.2. Une crainte au coeur du besoin de spécificité
a) La matrice justificatrice
Considérations pratiques et économiques
Considérations juridiques
b) Une crainte enracinée dans cette matrice
1.2. L’absence présupposée de forums neutres
1.2.1. Au niveau étatique
a) Des différences désavantageuses
b) Des rattachements avantageux
Rattachement politique commun
Rattachement linguistique commun
Rattachement juridique commun
1.2.2. Au niveau international
a) Une juridiction internationale absente
b) Émergence d’un juge naturel
2. La création d’un espace détaché
2.1. La neutralisation des interférences d’origine étatique
2.1.1. Soustraire le litige au juge étatique
a) Insérer la clause dans le contrat
b) Libérer la clause du contrat
2.1.2. Soumettre le litige à un juge non étatique
a) Le pouvoir de statuer sur sa propre compétence
b) Le pouvoir de délimiter la sphère d’influence de la justice arbitrale
2.2. Le détachement des droits étatiques
2.2.1. Détachement procédural
a) La mise à distance du droit étatique
b) Des règles « coupées de toutes racines étatiques »
2.2.2. Détachement substantiel
a) Le fondement : l’absence de délégation du pouvoir judiciaire
b) La renaissance de la lex mercatoria
Conclusion
Chapitre 2. Fabriquer la neutralité, révéler le mythe
Introduction
1. Façonner la neutralité
1.1. Façonner l’arbitrage
1.1.1. La puissance créatrice de l’autonomie de la volonté
a) Généalogie du principe
b) Manifestations de la puissance créatrice
1.1.2. La remise en cause de la puissance créatrice
a) Les tentatives de déstabilisation
b) D’un mythe à l’autre : l’auto-immunisation du principe d’autonomie
1.2. Garantir l’équilibre
1.2.1. Égalité de prérogative
a) Présomption d’égalité
b) Renversement de la présomption
1.2.2. Égalité de traitement
a) Une égalité garantie par un tiers de référence
b) Le principe garantissant l’égalité de traitement
2. Façonner les neutres
2.1. Façonner un juge privé neutre
2.1.1. Neutralité & co : entre confusion et impossible distinction
a) Confusion : des notions synonymes
b) La distinction : des notions voisines
2.1.2. La myriade des neutralités de l’arbitre
a) La neutralité fondamentale : la nationalité
b) La neutralité des « attaches » de l’arbitre
Neutralité économique et idéologique
Neutralité religieuse
Neutralité culturelle
2.2. Façonner un siège neutre
2.2.1. Le siège : l’implantation géographique de l’arbitrage
a) Rattacher l’arbitrage à un juge
b) Rattacher l’arbitrage à un droit
2.2.2. La neutralité politique : la neutralité induite
a) La neutralité politique externe : la neutralité fondée sur les neutres
La Suisse : le neutre international
La Suède : le neutre des deux blocs
b) La neutralité politique interne : « arbitrer en démocratie libérale »
2.2.3. La neutralité juridique : la neutralité fondée sur la « neutralisation » du juge étatique
a) Paramètres de neutralité
b) Paris : siège juridique neutre de l’arbitrage
Conclusion
Conclusion Partie 1
Partie 2. La diffusion du mythe
Chapitre 1. Expérimenter la neutralité, renforcer le mythe
Introduction
1. Succéder aux fantômes du passé
1.1. Les Capitulations : de la faveur au « souverainicide »
1.1.1. Les Capitulations : une « concession » fondée sur le principe de personnalité des lois
1.1.2. Les Capitulations : un « privilège exorbitant » au regard du principe de territorialité des lois
1.2. Le spectre colonial : la crainte d’une domination occidentale renouvelée
2. Neutraliser les cadres étatiques
2.1. Neutralisation des juridictions étatiques
2.1.1. Soustraction des litiges relatifs aux ressources naturelles
2.1.2. Le cas algérien : soustraction par basculement du public dans le privé
a) Le rejet de l’arbitrage par le Conseil d’État en 1958
b) L’acceptation de l’arbitrage en 1962 : entre contradictions et incompréhensions
2.2. Neutralisation des lois nationales
2.2.1. Procédés de neutralisation
a) Neutralisation par dévalorisation
b) Neutralisation par élévation
2.2.2. Des procédés aux finalités multiples
a) Finalité juridique
b) Finalités économique et politique
3. Équilibrer le forum arbitral
3.1. Garantir l’équilibre
3.1.1. L’enracinement de l’arbitrage dans les imaginaires du droit privé
a) Manifestation de l’enracinement : le biais originel
b) Cause de l’enracinement : l’origine du biais
3.1.2. Les porteurs d’imaginaires
a) Les arbitres
L’arbitre expérimenté
L’arbitre internationaliste
b) Les parties
3.2. Contester des déséquilibres
3.2.1. Déséquilibre dans la prise en considération des intérêts publics
a) La limitation du droit de disposer de ses ressources naturelles
b) Les « intérêts publics » : entre angles morts et impensés
3.2.2. Déséquilibre dans la protection des intérêts privés
Conclusion
Chapitre 2. Discuter la neutralité, adhérer au mythe
Introduction
1. Diversifier les professionnels
1.1. La critique de l’ancrage de l’arbitrage international en occident
1.1.1. Comprendre cet ancrage : la construction occidentale d’une profession transnationale
1.1.2. Comprendre la critique : le renforcement de l’ancrage occidental avec la professionnalisation de l’arbitrage
1.2. Le sort de la critique
1.2.1. Une critique atténuée par la présence des élites occidentales du Sud
1.2.2. Une critique éclipsée par le choix de l’expertise
1.2.3. Une critique absorbée par l’internationalisation du centre
2. Diversifier le cadre juridique
2.1. La critique de la partialité du cadre juridique
2.1.1. Une critique intégrant la thèse de la partialité du droit international
a) Le comité afro-asiatique, porteur de la critique sur la scène internationale
b) La partialité de l’arbitrage : miroir de la partialité du droit international
2.1.2. Une critique exacerbée par l’absence de participation à l’élaboration du droit de l’arbitrage international
2.2. La loi type CNUDCI : à la croisée des mythes
2.2.1. De la critique de la partialité au projet d’unification et d’harmonisation
a) D’un besoin à l’autre
b) D’une neutralité à l’autre
2.2.2. Du mythe de la neutralité au mythe de l’universalité
a) Entre marqueur d’universalité et marqueur de neutralité
b) Neutralité et universalité : des remises en cause interconnectées
3. Diversifier les lieux
3.1. La critique de la concentration de l’arbitrage en occident
3.1.1. Une critique des lieux d’exercice de l’arbitrage international
a) Le renvoi au passé : une configuration géographique héritée de la période coloniale
b) L’expérience du présent : une configuration géographique porteuse d’inégalités multiples
3.1.2. Une critique intégrant des stratégies de contournement du centre
a) La préférence accordée à l’arbitrage ad hoc
b) La délocalisation forcée de l’arbitrage à partir du centre
c) La création de centres d’arbitrage dans la périphérie
3.2. Le sort de la critique
3.2.1. Une critique récupérée dans le discours sur la neutralité
a) La distance géographique saisie par la neutralité
b) La délocalisation des litiges comme indicateur de neutralité
3.2.2. Une critique éteinte par la multiplication des centres d’arbitrage
a) La diversification des lieux de l’arbitrage
b) L’extinction paradoxale de la critique : le renforcement de la concentration en Occident
Conclusion
Conclusion Partie 2
Partie 3. La globalisation du mythe
Chapitre 1. Globaliser la neutralité, s’approprier le mythe
Introduction
1. Se disputer la neutralité : la tectonique des places
1.1. Configuration et reconfiguration de l’arbitrage global
1.1.1. Structuration de l’arbitrage international autour des places arbitrales
a) Architecture des places arbitrales
b) Localisation des places arbitrales : Global cities et « capitales du capital »
1.1.2. Des places arbitrales en quête d’attractivité
a) L’attractivité juridique : indicateur de compétitivité d’un territoire
b) L’État : acteur clé de l’attractivité
1.2. Mobiliser la neutralité, attirer les litiges
1.2.1. Fonder l’attractivité juridique sur la neutralité
a) Territorialisation de la neutralité
b) D’un vocable à l’autre
1.2.2. Maintenir l’attractivité par la neutralisation
a) Séismes sur les places européennes
Séismes nationaux
Séisme européen
b) Appels à neutralisation
Appels éclipsés
Appels entendus
2. S’accorder sur les neutres : l’exemple de la langue
2.1. Le libre choix de la langue ou la recherche d’un équilibre illusoire
2.1.1. La langue comme véhicule
2.1.2. La langue comme boite de pandore
a) Le choix implicite d’un second système de droit
b) L’importation de cultures et de pratiques
2.2. L’anglais : langue neutre de l’arbitrage globalisé
2.2.1. L’anglais : notre « autre langue »
a) La prééminence de l’anglais
b) Comprendre cette prééminence
2.2.2. De lingua franca à langue neutre
a) Définir la « langue neutre »
b) Les effets de la « langue neutre »
Une langue neutralisatrice
Une langue fondatrice
Conclusion
Chapitre 2. Concurrencer la neutralité, éclipser le mythe
Introduction
1. La crise de la matrice promotionnelle
1.1. La dynamique concurrentielle révélatrice de la crise
1.1.1. L’affaiblissement de l’arbitrage international
1.1.2. Le développement du marché des services de règlement des litiges
1.2. La redéfinition de l’alternativité
1.2.1. Le regain d’intérêt pour les autres modes alternatifs
1.2.2. Le renouveau de la justice étatique
2. La crise de légitimité
2.1. La crise de légitimité de l’arbitrage d’investissement
2.1.1. À l’origine : la critique externe
2.1.2. Au coeur de la crise de légitimité : la neutralité du forum arbitral
2.2. L’inévitable importation de la crise de légitimité dans l’arbitrage commercial
2.2.1. L’arbitrage commercial : entre déficit de légitimité et entreprise de re-légitimation
2.2.2. Transparence et neutralité : la complémentarité des mythes
Conclusion
Conclusion Partie 3
Conclusion générale
Bibliographie
Annexes
Table des figures