Le thème de cet ouvrage est né de la rencontre entre un impératif et une
intuition. L'impératif, c'est la nécessité de mieux appréhender le processus de
construction des droits européens - celui de l'Union européenne et celui du
Conseil de l'Europe. A l'heure où l'Europe patine et où le droit ne semble plus
à même de jouer le rôle de vecteur d'intégration qu'il a longtemps tenu, il est
urgent de s'interroger sur les conditions de possibilité et de légitimité de la
production juridique dans une Europe plurielle, composée d'une myriade de
foyers de droit qui interagissent dans l'ignorance de toute hiérarchie simple et
univoque.
L'intuition, c'est l'idée selon laquelle la figure de la traduction pourrait offrir
une grille d'analyse susceptible d'éclairer d'un jour nouveau les mutations du
droit contemporain. La traduction s'apparenterait ainsi à quelque chose
comme la "grammaire " du "droit en réseau" caractéristique des sociétés
actuelles. Dans nos ordres juridiques sans frontières et sans centre, la
communication entre les différents acteurs du droit est à la fois plus nécessaire
et plus périlleuse que jamais. Invitant à relier sans mélanger, à transposer
sans imposer, à connecter sans unifier, le paradigme de la traduction offre
peut-être à ces nouveaux défis pour le droit des réponses intéressantes, qui
renvoient dos à dos une vision fataliste de l'éclatement des ordres juridiques
et toute prétention hégémonique à l'édification d'une nouvelle tour de Babel.
Cet ouvrage se penchera sur la pertinence (I) et sur la fécondité (II) de la
rencontre entre cet impératif et cette intuition, entre cet analyseur - la
traduction - et cet analysé - la construction des droits européens. Evaluer la
pertinence de cette rencontre reviendra à se demander si la production
juridique européenne peut être adeéuatement observée et décrite à travers le
prisme de la traduction et si, en retour, le "laboratoire européen" peut servir
de "test grandeur nature" au paradigme de la traduction. Mesurer la
fécondité de cette rencontre consistera à s'interroger sur la plus-value
mutuelle qu'elle génère, en sondant d'une part la contribution du paradigme de
la traduction à une meilleure appréhension de la production juridique
européenne, et en se demandant d'autre part si notre "intuition traductrice"
sort renforcée et affinée de sa confrontation à la réalité des droits européens