Le bicentenaire de la bataille de Waterloo est un des deux grands évènements médiatiques wallons de l'année 2015 sur le plan culturel et touristique. L’autre étant Mons 2015. Qui plus est, il se situe à deux pas de la Région de Bruxelles-Capitale, capitale européenne. Le budget s’énonce en millions d’euros, sans compter les travaux préalables d’infrastructure et de rénovation. Les organisateurs attendent près de deux-cent-mille visiteurs en quatre jours. Certains viendront de Chine, des États-Unis, d’Australie et de Nouvelle-Zélande, nous dit-on dans la presse. Les billets se sont tous vendus deux mois et demi avant l’évènement. La préparation, chaotique à certains égards, s’étale sur de nombreuses années. Quatre communes du Brabant wallon, situées dans la partie la plus riche de cette prospère province, ainsi que les autorités provinciales et régionales sont parties prenantes de l’organisation.
Ce qui est proposé, c’est un spectacle d’ouverture dans la tradition des grandes manifestations internationales, mêlant pyrotechnie, dramaturgie, scénographie, son et lumière, et texte. Suivent deux spectacles de reconstitution, présentant chacun une phase de la bataille dite de Waterloo, à l’aide de quelque cinq-mille reconstituteurs venus de nombreux pays et regroupés au sein de plus d’une centaine d’associations. Le public pourra aussi visiter les bivouacs où ces reconstituteurs logent et assurent diverses démonstrations.
Du spectacle donc. Mais aussi une démarche de commémoration. Les questions surgissent. Faut-il commémorer une bataille ? Est-il responsable de mettre à l’honneur un évènement si mortifère ? On commémore bien Verdun et le débarquement de Normandie. Commémorer n’est pas « célébrer » : se souvenir permet de méditer, de comprendre, si la commémoration ne néglige pas la contextualisation, si le travail d’histoire rejoint le travail de mémoire [1]. Faut-il commémorer une défaite française (diront certains amis français) ? Cette question est récurrente depuis plus d’un siècle. Même réponse : commémorer n’est pas célébrer. Les organisateurs proposent un message de réconciliation européenne et de paix. Le travail d’histoire et de mémoire permet de dépasser le passé sans le nier. Certes. On comprend l’intérêt d’une telle démarche mémorielle pour les grandes crises du XXe siècle (génocides, Première et Seconde Guerres mondiales, totalitarisme, rideau de fer et guerre froide…), mais faut-il dépenser son énergie pour une si lointaine bataille ? On répondra que des faits bien plus éloignés dans le passé ont généré, et (...)