Écriture du groupe, écriture en groupe

Arrivés du passé après nombre d'opérations éditoriales et critiques, configurés par plusieurs histoires, dont l'histoire littéraire, les écrits nous apparaissent pour une bonne part dans une perspective groupale qui contribue parfois à opacifier notre appréhension de ce que Lanson a appelé le « fait social de la littérature ». Une partie des contributions de ce volume travaille ainsi à interroger les fictions de groupes qu’ont produites non seulement l’histoire littéraire mais les opérations éditoriales du XVIIe siècle qui réunissaient des pièces poétiques, collectaient des fragments, rassemblaient des lettres. Trio d’acteurs, groupement de conteuses, académies instituées, ordinaires ou fantasmées, pratiques poétiques ou épistolaires, République des Lettres : qu’en fut-il de la réalité de ces groupes transmis par la littérature et par l’histoire ? Comment comprendre la présence insistante du groupe dans la désignation des pratiques sociales des acteurs du passé qui furent des professionnels de l’écriture et parfois furent enrôlés dans l’institution du littéraire ? Dans quelle mesure ces groupes masquent-ils les autres appartenances et les intérêts de ces acteurs ? L’enquête collective proposée dans ce numéro des Dossiers du Grihl auquel contribuent plusieurs jeunes chercheurs en histoire et en littérature, mais aussi des chercheurs confirmés, peut ainsi se lire comme une enquête sur la production et les fictions du social par l’écriture et la littérature. Elle est enfin une invitation à prendre en charge, dans la réflexion sur cette question si constituée des écritures collectives, les modalités d’ordonnancement et d’archivage qui regroupent les écrits, ainsi que les opérations de littérarisation et de production de la valeur indissociables de leur transmission.