L'histoire urbaine à l'épreuve des plaintes citadines

Et si l'on écoutait sérieusement ce que citadines et citadins ordinaires ont pu dire ? Tel est le parti pris de ce numéro qui propose de focaliser l'attention sur des corpus de plaintes écrites ayant la ville pour cadre mais aussi pour motif. Hommes et femmes vivant en ville prennent la plume pour exprimer leurs vues sur leur habitat (Laetitia Overney) ou sur leurs conditions de vie quotidienne (Louis Georges). D’autres encore s’expriment au moment où ce cadre de vie connaît des transformations
plus ou moins radicales, depuis le changement de nom des rues (Eurydice Boussac) jusqu’à la destruction de leur logement (Eric Le Bourhis) en passant par le basculement du rural vers l’urbain lors de l’expansion de la ville (Thibault Bechini). L’attention portée aux plaintes oblige le ou la chercheur.e à décentrer son regard, à sortir aussi des grilles de lecture des décideurs et des aménageurs, lui permettant notamment d’apercevoir d’éventuelles alternatives au destin d’une ville ou d’un quartier. Elle l’invite à modifier son questionnaire et à rouvrir des dossiers sans doute un peu hâtivement clos, car étudiés au seul prisme des sources produites par les pouvoirs. Que nous disent ces protestations à bas bruit ? Dans quelle mesure nous renseignent-elles sur la fabrique de la ville ? Matériaux pour l’historien.ne, ces sources insolites se révèlent fournir des éclairages précieux et inédits sur les transformations sociales et matérielles des milieux urbains. À différentes échelles, elles nous montrent Paris, Marseille, Riga ou encore les « Grands ensembles » construits sur l’ensemble du territoire national autrement.