Comment quitter l'adolescence, devenir un homme et s'affirmer en tant que tel dans les cités et autres zones dénigrées, touchées de plein fouet par la désindustrialisation et son cortège d'insécurités sociales et mentales ?
Cette enquête de terrain, menée pendant trois ans dans des cités d'anciennes villes ouvrières du Nord, montre comment les prises de risque font l'objet d'un processus de production continue, permettant aux jeunes gens de poser les bases de leur identité virile et de construire leur réputation sur un territoire ; mais aussi, dans leur vie d'hommes, de gagner leur vie dans les réseaux souterrains, de diversifier leurs relations et de trouver une manière de répliquer à la honte de vivre dans des lieux stigmatisés. S'apparentant à des conduites d'honneur et de distinction, elles sont coproduites par différents éléments : fragilisation du rapport au travail, question du logement social, évolution des relations familiales, culture des cités et tensions de genre exacerbées qu'elle produit...
À travers les multiples portraits de jeunes gens et d'hommes vivant dans des cités sociales ou dans la rue, Pascale Jamoulle montre combien la précarisation rend difficile la construction identitaire. Fluctuantes, les identités de ces hommes ne sont pas figées et voient alterner les moments de crise avec des tentatives de régulation des risques et de reconstruction.
Remerciements
Introduction
I / Des milieux de vie insécurisés
- 1. Vivre dans des espaces discriminés : les prises de risque comme répliques aux politiques de la honte - Disqualifications spatiales - Le bloc Z de la cité des Mimosas - Processus de tri et d'étiquetage - Stigmatisations identitaires : l'« étique de dégénéré » - Discrédit de l'État - Défiance envers les représentants de la puissance publique - « Cités dures », fierté et accès à l'argent public - Conclusion : Ségrégation des territoires et conduites à risque de la jeunesse
- 2. Faire sa place grâce à l'économie souterraine - De la culture ouvrière à la culture de la précarité - Filou et les siens - Une tradition de mise en jeu du corps et de vaillance au travail - Transformation des prises de risques avec le chômage et l'économie souterraine - Gagner sa vie : travail contingent, allocations et petits « à-côtés » - Diversifier ses ressources et ses réseaux - Bricoloages identitaires et empilement chaotique des normes - Le business, ou la crise de transmission des pères - Systèmes de vie liés aux drogues et parcours judiciaires - Inscriptions précoces des psychotropes dans la vie des familles - Des trajectoires judiciaires qui détruisent les familles - Conclusion : Conduites à risque et paternités dans des vies minées par la précarité de l'emploi
II / Constructions identitaires
- 3. Faire sa jeunesse en cité : des prises de risque qui positionnent auprès des pairs - Filles et garçons à l'« école de la rue » - Jenny et Nono, une jeunesse en cité - Entrer dans des bandes de la cité - Schéma d'apprentissage de l'« école de la rue » - Sens de l'honneur et réputation - L'économie de la rue : besoin de reconnaissance et jeux à risque - Construction des identités sexuées et tensions de genre - Face à l'effacement du père, la prise d'autorité par le garçon - Filles et garçons, entre dénigrement et hostilité - Violences masculines - Stratégies de préservation féminines - Sortir des bandes et devenir adulte - Nono se « légalise » - Jenny trouve de l'aide et se met à écrire - Conclusion : Sens et fonctions des conduites à risque dans la vie des « jeunes de cité »
- 4. Familles et figures paternelles dans la cité - Transformations des vies de famille en logement social - La famille de la cité des Amazones - Représentations de l'enfant - Évolutions de la figure paternelle - Pères en transition entre l'«ancien esprit » et le dialogue - Dépression masculine et précarisation de la paternité - Désimplication des pères après une rupture conjugale - La concentration des fonctions parentales sur un seul parent - Lorsque les mères assument tout, toutes seules - Pères seuls avec enfant - La recherche d'un entourage et de figures tierces - Des fonctions parentales qui ne sont pas assumées - Conclusions : Sens des conduites à risque dans l'évolution des familles
III / Tensions destructrices et créatrices
- 5. Pères dans la ville nue : prises de risque et expérience de l'inhumain - Vivre dans la rue : le « Toxland » - Red, Vick et Manolo, trois pères vivant à la rue - Circulez ! Au bord du social, le mouvement de la vie nue - Les logements précaires - (garnis, abris de nuit, squats, caches...) - Mécaniques d'oppression de la vie nue - Histoires des « réfugiés » du Toxland - Enchaînements de traumatismes - Conjugalités et parentalités à partir de l'expérience de la vie nue - L'humanité dans ses lieux de dénégation - Entre destructions et reconstruction, une identité en mouvement - Construction d'une trajectoire de soins - De crise en crise, le travail identitaire et l'investissement de la paternité - Conclusion : Dérégulation des prises de risque et de la parentalité dans la ville nue
- 6. Une cagnotte multiculturelle : régulations des prises de risque par l'entourage - La cagnote comme parenté sociale et interculturelle - La cagnotte du café Le Plaza - Rendez-vous d'affaires et pratiques sociales - Rencontres amoureuses et règlement des affaires de famille - Transformation des paternités dans des contextes d'immigration - Mémoire occultée des migrations - Émigration de la famille d'Halil - Les tensions avec le père dans le pays d'accueil - Violence familiale et différends matrimoniaux - Conclusion : Les régulations sociales et interculturelles. L'exemple des cercles d'épargne
Conclusion : Hommes et père en milieux précaires transformation des prises de risque.