Les deux guerres mondiales qui ont déchiré le XXème siècle ont laissé de profondes traces dans les esprits. Elles ont aussi posé le problème général des rapports entre mémoire et histoire. Contre le révisionnisme et le négationnisme, qui prétendent exiger des preuves « scientifiques » du génocide, le rôle des témoins dans la transmission de la mémoire et des leçons de l’histoire doit être préservé. Mais il ne peut suffire à prévenir tous les risques inhérents à la reconstitution du passé, processus dans lequel les nations et les groupes cherchent ou se forgent une identité. L’altération, la dénégation et l’hypertrophie du passé constituent un défi permanent pour l’histoire. Dans une Europe en construction, l’image que chaque nation donne d’elle-même ne peut reconduire à l’époque où les nationalismes déchiraient le continent. C’est pourquoi il importe de rappeler que la structuration interne de l’Europe ne s’est pas faite seulement sur des bases territoriales ou dynastiques, mais aussi selon des dynamiques économiques, sociales et culturelles qui traversent les frontières d’État. La reconnaissance de ces multiples mouvements, dans les médias comme dans l’enseignement, constitue un défi pour l’avenir. C’est à éclaircir ces enjeux que se consacre ce Dossier, hors de tout esprit polémique ou partisan.