Les auteurs, au travail depuis deux ans sur les thématiques de ce volume, représentent un groupe de personnes d'horizons épistémiques et institutionnels différents, désireux d'organiser une réflexion sur quelques questions éthiques posées par l'implantation d'électrodes dans la cochlée des jeunes enfants sourds. À certains d'entre eux, concernés en tant que parents, le monde expert de la surdité précoce et de la rééducation est familier. Pour chacun d'entre eux, le champ professionnel propre de ses réflexions (linguistique, anthropologie, pédiatrie, neurologie, psychanalyse) est interpellé par l'énoncé de quelques évidences ininterrogées, passant pour justifier la généralisation de cette pratique. Exemple: les Sourds sont malades, donc à soigner par des médecins ; entendre, c'est discriminer des décibels ; parler, c'est articuler des sons ; l'audiophonologie est la "science" dont le savoir fait autorité pour la "prise en charge" des enfants sourds. Un triple souci commun a mené à la tenue d'une journée d'étude, qui a suscité les écrits ici présentés. D'abord, tenter de porter au jour des présupposés théoriques questionnables, des confusions et des amalgames du discours dominant. Ensuite, mettre en perspective la logique d'accueil actuelle des enfants sourds avec le contexte idéologique général de notre société. Enfin, laisser advenir un autre discours, ancré dans le réel, porteur de solutions différentes à l'épreuve de surdité, qui est épreuve de rencontre. En cela, la réflexion proposée ici intéresse largement tous ceux que la condition humaine interroge. Chacun des textes qu'on lira ici fournit un éclairage fonction de l'expérience et des compétences professionnelles des auteurs, plus ou moins proches par ces deux voies, du sujet de l'implant. Un médecin directeur d'un centre de rééducation des troubles de l'audition, de la parole et du langage (Dr. C.Ligny, Centre Comprendre et Parler, Bruxelles), un médecin responsable de l'Unité d'accueil et de soins en langue des Signes d'un hôpital (Dr. B.Drion, Groupe hospitalier de l'Institut catholique de Lille), un médecin ORL phoniatre, secrétaire général du Comité français d'Audiophonologie (Dr. J.Leman), une psychanalyste (Y.Thoua), deux linguistes (J.Giot et L.Meurant, Université de Namur), un philosophe (D.Folscheid, Université de Marne-la-Vallée). L'une des participantes à la journée d'étude (F.Vermeylen, philosophe et thérapeute, Bruxelles) a joint ses réflexions sur l'ensemble des textes.