La régulation de la sexualité constitue assurément un enjeu sociétaire - et donc juridique - essentiel. Ce n'est pas seulement le contrôle de la licence qui s'y joue, mais bien la reproduction d'un certain ordre moral. Aussi l'analyse des dispositions pénales qui répriment l'outrage public aux bonnes mœurs - dispositions souvent amendées depuis 1867 et sources d'une jurisprudence foisonnante -, s'avère-t-elle un révélateur inégalé du fonctionnement du discours pénal et, plus largement, de la rationalité juridique. Sont ainsi mis en lumière les divers codes sémantiques qui forment la trame du discours juridique, le caractère scolastique de sa mise en œuvre et les rapports que le droit noue encore, en dépit de ses affirmations, avec la morale. Se dégage aussi l'efficience, au creux de la répression des outrages aux mœurs, d'une conception cartésienne de l'homme, d'une logique de différenciation sociale et d'une conception mythique de la légitimité politique. Autant de questions fondamentales qui, si elles n'épuisent pas la problématique de la rationalité juridique, en dégagent cependant quelques articulations majeures. L'ouvrage, qui suit de près les méandres des textes juridiques ainsi que les avatars des divers projets de réforme, ne fait cependant ni œuvre de politique juridique, ni œuvre de doctrine. Son propos est critique et interdisciplinaire. Seule, en effet, une telle approche pouvait saisir, dans ses diverses dimensions et métamorphoses, une matière où s'entrecroisent droit, morale, religion, médecine et politique.